Le destin tragique de Chatterton, ce jeune poète que des ambitions littéraires contrariées ont conduit au suicide, a fasciné tous les romantiques français jusqu’à ses deux derniers hérauts, Gainsbourg et Bashung.
Bien que la référence au personnage de la pièce de Vigny soit ici purement fortuite, Feu! Chatterton aurait en revanche beaucoup de mal à nier l’influence de ces deux figures tutélaires de la chanson.
Quoiqu’il en soit, cette filiation ne suffit pas à raconter et comprendre un groupe dont l’alchimie sonore distille rock et littérature comme aucun de ses contemporains. Arthur fait ses classes dans les concours de slam parisiens.
Il y emmagasine une expérience précieuse, noirci des cahiers entiers d’histoires et de poèmes qui impressionnent ses camarades de lycée, Clément et Sébastien, deux guitaristes compositeurs qu’il allait autrefois applaudir lors des tremplins rock. Tous les trois vont alors multiplier les expériences et les projets jazz-funk, slam ou rock. Si leurs références sont plurielles, voire parfois radicalement opposées, ils s’accordent tous autour de Radiohead (« Amnesiac plus encore que Ok Computer »).
La cohésion, ils la trouvent enfin en 2011 : autour des textes singuliers et de la voix profonde d’Arthur, ils élaborent une architecture sonore précise, envoûtante, influencée par la musique de film et le jazz tout en restant résolument rock. L’année suivante est déterminante : Antoine (basse), puis Raphaël (batterie, percussions) rejoignent et complètent la formation.
C’est aussi en 2012 que Feu! Chatterton publie sa déclaration d’intention sur YouTube, sous la forme d’une mystérieuse chanson de 4 minutes 30.
Sur un lit de guitares électrisantes (imaginez Alain Bashung conduire les Bad Seeds de Nick Cave), La Mort Dans La Pinède revisite l’amour courtois et relate des ébats adolescents modernes, forcément maladroits et tragiques.
C’est l’épisode final d’un projet audacieux encore en gestation (à suivre, donc) dont on a pu entendre quelques chapitres lors de leurs concerts. La scène reste sans doute le meilleur endroit pour appréhender la musique du quintet parisien (ils viennent de remporter le Prix Chorus 2014).
Cependant, ce premier EP retranscrit assez fidèlement l’essentiel de leurs intentions. La Malinche, tout d’abord, est une lettre d’amour post-punk irrésistible. A l’opposé, et si tant est que l’amitié ait besoin de déclaration, À l’aube est aussi une chanson d’amour, virile et touchante comme on en entendait parfois dans les 60’s (chez Brel notamment). Côte Concorde s’inscrit dans la tradition de la chronique d’actualité comme les chantaient Bob Dylan et Woody Guthrie dans le Village.
« Je les ai pas mal écouté, admiratif du ton de leurs protest songs. Frustré aussi, parce que la langue française est moins heureuse avec la chanson engagée. » précise Arthur qui signe ici un texte subtile et poignant. Enfin, L’Heure Dense évoque d’avantage le jeune Serge habillé de guitares new wave sombres et pénétrantes, tandis que Sex Appeal est une petite comptine électro laconique mais entêtante.
Pendant que certains artistes se morfondent dans un pathos onirique embarrassant, que d’autre feignent d’ignorer les désespérances d’un siècle encore nouveau mais déjà usé, Feu! Chatterton nous offre ici une élégante collection de chansons hors du temps, réaliste et romantique jusqu’au vertige.
Après un premier album couronné de succès qui en a fait les figures de proue de la nouvelle chanson française et une tournée épique achevée à l’Olympia, Feu! Chatterton revient pour nous livrer son tout nouvel album, L’oiseleur, ode au temps béni de l’amour perdu.
On avait quitté l’élégant quintet au petit matin, exalté et tremblant d’avoir traversé la nuit électrique. On le retrouve sous l’arbre fruitier, dans la voluptueuse lumière de l’après-midi, célébrant les formes et les couleurs de la Nature charnelle
L’oiseleur est un road trip lancé à toute allure, une collection de vignettes où s’entrechoquent réalisme contemporain et onirisme suranné, clins d’œil au cinéma pulp, poésie surréaliste, guitares new wave et scansion rap. Le premier album certifié disque d’or a fait du groupe les figures de proue de la nouvelle chanson française. Après une tournée couronnée de succès : plus de 250 dates dont 7 Trianon complets et un Olympia, Feu! Chatterton revient pour nous livrer son tout nouvel album, 'L’oiseleur', ode au temps béni de l’amour perdu.
Texte réactualisé le 4 avril 2018
© photos artistes Sacha Teboul