Louis Arlette. Un nom un peu rétro. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de cet artiste pourtant d’une modernité folle. Un enfant de son époque qui l’assume en sortant des sentiers battus. Il revendique le fait d’appartenir à la famille de la chanson Française puisqu’il chante en français, mais il revendique aussi son originalité. Si des groupes comme The Cure, Depeche Mode, Kraftwerk, The Beatles, Radiohead, la musique industrielle dans son ensemble, l’ont influencé, il n’est pas passé à côté du Pop Rock francophone. Indochine, Rita Mitsouko, Taxi Girl ou Etienne Daho l’ont fait vibrer longtemps, ainsi que la chanson plus traditionnelle, des maîtres tels que Brel, Brassens, Gainsbourg et Vian. Mais pas question de plagier, inconsciemment ou non. « Je trouve très triste de copier de la musique qui a déjà existé. C’est pour moi la chose la plus déprimante et mortifère qui soit. »
Pour Louis Arlette, la limite entre la suggestion, la référence et le plagiat est très faible. Son oeuvre ne ressemble à rien de ce que l’on a écouté en France. Christophe peut-être ? Et encore… « Nous avons effectivement la même démarche. C’est drôle parce que, récemment, je lisais une interview de lui dans laquelle il disait que son souhait serait de collaborer avec Trent Reznor, le chanteur de Nine Inch Nails. Donc, il est proche de la mouvance « musique industrielle ». Là où on diffère, c’est qu’il a aussi dit qu’il considérait sa voix comme du son. Il chante comme s’il jouait d’un synthétiseur. Personnellement, je me considère comme chanteur. Lui, il se considère comme un instrument, une expérimentation. Je travaille ma voix sans cesse pour qu’elle transmette ce que j’attends d’elle ».
Ses années de Conservatoire, section violon et piano, ainsi que ses expériences en orchestre lui ont apporté de solides bases musicales. Ses années à la Faculté de Paris 8 en musicologie et son école d’ingénieur du son, la SAE, aussi. Tout maîtriser de la musique, n’est-il pas le meilleur moyen pour divaguer vers d’autres chemins ? « Je ne prétends pas avoir la connaissance globale de la musique, mais mon souhait est de comprendre cet art le mieux possible. La technique, la sensation, l’émotion, tout me fascine dans la musique. J’ai besoin de tout pouvoir saisir et maitriser… Ce n’est pas pour rien que j’ai travaillé 10 ans avec d’autres artistes en studio avant de me sentir prêt à aborder mon projet solo. » Il apprend, se nourrit des autres, observe, et trouve sa propre vérité.
Remarqué par le groupe AIR alors qu’il n’était qu’étudiant dans son école d’ingénieur du son, il travaillera avec eux quelques belles années particulièrement formatrices. Il assiste Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel sur l’album Love 2, puis enregistre et mixe le suivant, « le voyage dans la lune », ainsi que le premier album solo de Nicolas Godin, «Contrepoint». Débuter le métier avec un duo de légende, il y a pire. Un cadeau de la vie, même. Un bonheur ne venant jamais seul (on n’a que ce que l’on mérite), Louis travaille également sur de nombreux projets liés au monde de la mode, notamment aux côtés de Jean-Paul Goude. l’album Love 2, puis enregistre et mixe le suivant, « le voyage dans la lune », ainsi que le premier album solo de Nicolas Godin, « Contrepoint ». Débuter le métier avec un duo de légende, il y a pire. Un cadeau de la vie, même. Un bonheur ne venant jamais seul (on n’a que ce que l’on mérite), Louis travaille également sur de nombreux projets liés au monde de la mode, notamment aux côtés de Jean-Paul Goude.
Louis Arlette, « homme-machine », (Cf Man-Machine de Kraftwerk) a toujours été fasciné par l’univers des studios, des consoles et du son. « Les machines me permettent de résumer ma démarche musicale, un mélange de musique électronique et acoustique. Les machines sont une extension de mon corps. Nous, êtres humains, avons des mains, des pieds, mais pouvons les améliorer. » Avant son premier EP l’année dernière, Louis a accumulé les expériences musicales, monté son propre studio… surtout, il est devenu réalisateur et producteur. Toujours conscient du fossé qui existe entre s’exprimer pour soi, construire réellement un projet et y consacrer sa vie, il a passé le cap de la concrétisation fin 2016. Les morceaux ont surgi d’eux-mêmes. C’est d’ailleurs un thème récurrent chez Louis, faire table rase du passé, passer le cap.
Sa force de frappe majeure, ce sont les textes. Il a toujours été fasciné par la littérature (Balzac, Hugo, Flaubert…) et la poésie (Aragon, Villon et plus généralement, les poètes maudits…), mais son idole restera à tout jamais Marcel Proust : « Proust est un auteur qui m’écrase de son génie. Je ne trouverais pas ça scandaleux de ne lire que son oeuvre jusqu’à la fin de ma vie. » Comme lui, il provoque dans ses textes une réflexion sur la société, sur l’art, l’amour, la mort, sur ce que l’on a au plus profond de soi. Il s’identifie humblement au narrateur, qui se voudrait artiste, mais se sent écrasé par les artistes géniaux qu’il apprécie, avant de finalement comprendre comment s’exprimer à son tour.
Ainsi, Louis Arlette a partagé l’enregistrement de son premier album, Sourire carnivore, entre son studio (Le Bruit Blanc) et le studio du groupe AIR (studio de l’Atlas), en compagnie du batteur Julien Boyé (Gush, Nouvelle Vague), du guitariste Daniel Jamet (membre fondateur de La Mano Negra, Gaëtan Roussel et Saez). Le luxe suprême : avoir pris son temps. « Je me suis donné les moyens de pouvoir aboutir un morceau, le terminer, me rendre compte qu’il y a un problème dedans et tout refaire, tout ré-enregistrer. Autant de fois que nécessaire.» Cet album, Louis, l’a mixé lui même au studio de l’Atlas et en a confié le mastering à Antoine « Chab » Chabert. « Il y a des morceaux « bénis », qui se font tout seuls. D’autres où c’est un combat, parfois une souffrance absolue. Tu ne t’en sors pas, deviens obsessionnel. Le devoir d’un artiste, c’est de recommencer tant qu’il n’est pas satisfait. »
On trouvait dans son premier EP les thèmes de l’introspection, de la mort, de la colère sous forme de métaphores romantiques et littéraires. Dans son nouvel EP À notre gloire et sur l’album, ses premiers morceaux engagés sur le plan politique et éthique font leur apparition. Pour Louis, il faut qu’une chanson fasse réfléchir. L’humain se dérobe à sa part de responsabilités sur les évènements: trop d’ego, de suffisances, voire de médisances («À notre gloire»), il déplore la non maîtrise du temps qui passe et de nos destins respectifs («À la dérive»). Heureusement, derrière l’obscurité se cache la lumière et l’espoir. Il est venu le temps du réveil, de la conscience de ce que l’on est, de l’action «(Le moment est venu»).
Dans cet Ep, Louis Arlette nous livre deux versions live (À notre gloire et À la dérive) enregistrées et filmées en live avec son groupe au studio Kremlin et réalisées par Julien Reymond. Ces vidéos sont dès à présent disponibles sur sa chaîne Youtube.
Le premier album de Louis Arlette laisse le parfum d’un essai transformé. On navigue en eaux claires entre Rock, Pop, Indus et chanson française. Ses mélodies envoûtantes et sa production intense, profonde et novatrice pourraient bien le révéler au grand public. Louis Arlette, une chanson française différente.
Texte réactualisé le 26 avril 2018